OTTAWA, ON – Le Centre juridique pour les libertés constitutionnelles (CJLC) exprime sa déception face à la décision de la Cour fédérale confirmant la légalité de la prorogation du Parlement sur recommandation du premier ministre. En conséquence, la 44e session du Parlement demeure suspendue jusqu’au 24 mars 2025.
Le juge en chef Paul S. Crampton de la Cour fédérale a rendu sa décision aujourd’hui. Il a conclu que « les requérants n’ont pas réussi à démontrer que le premier ministre a dépassé les limites établies par la Constitution écrite ou par les principes non écrits invoqués ».

Le 6 janvier dernier, lors d’une conférence de presse, le premier ministre Trudeau a annoncé sa décision de conseiller à la gouverneure générale la prorogation de la 44e session du Parlement jusqu’au 24 mars 2025. Il a justifié cette décision en affirmant que le Parlement était « paralysé » et qu’une remise à zéro était nécessaire. Il a aussi indiqué son intention de démissionner et d’organiser une course à la direction du Parti libéral pendant la prorogation.
Dès le lendemain, le 7 janvier, les avocats du CJLC ont déposé un recours constitutionnel au nom de David MacKinnon et Aris Lavranos. Ils ont demandé à la Cour fédérale de déclarer la prorogation illégale, arguant qu’un Parlement suspendu ne pouvait réagir aux menaces tarifaires des États-Unis et que la décision du Premier ministre portait atteinte à plusieurs principes constitutionnels fondamentaux : l’État de droit, la démocratie, la souveraineté parlementaire, le gouvernement responsable et la séparation des pouvoirs.
Le 18 janvier 2025, reconnaissant le caractère urgent et exceptionnel du dossier, le juge en chef Crampton a ordonné une audience accélérée.

Les audiences se sont tenues les 13 et 14 février à Ottawa. Pendant deux jours, les avocats des requérants ont soutenu que la prorogation violait l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux citoyens une « représentation effective » au Parlement. Ils ont fait valoir que le pouvoir de prorogation ne devait pas être utilisé pour contourner la responsabilité gouvernementale.
L’expert constitutionnel James Manson a rappelé que « c’est au Parlement de superviser le gouvernement, et non l’inverse ». Nos avocats ont aussi souligné que le Parlement devait pouvoir réagir aux tensions commerciales et géopolitiques, notamment les menaces de tarifs douaniers et d’annexion formulées par l’administration Trump.
C’était la première fois dans l’histoire du Canada qu’un tribunal était appelé à définir la portée du pouvoir du premier ministre en matière de prorogation.
De leur côté, les avocats du gouvernement ont demandé le rejet du recours, arguant que les requérants n’avaient pas qualité pour agir, que la Cour fédérale n’avait pas compétence en la matière, et que la prorogation relevait d’une décision purement politique, donc non justiciable. Ils ont aussi contesté l’application de l’article 3 de la Charte et des principes constitutionnels invoqués.
Dans sa plaidoirie finale, l’avocat James Manson a exhorté la Cour à rendre une décision forte pour protéger la démocratie et l’État de droit au Canada.

Le juge en chef Crampton s’était engagé à rendre une décision avant le 24 mars pour éviter que l’affaire ne devienne sans objet. Dans son jugement publié aujourd’hui, la Cour fédérale conclut que le Premier ministre n’a pas outrepassé son autorité en prorogeant le Parlement. Toutefois, le juge en chef Crampton reconnaît que « les circonstances générales sont troublantes », mais estime qu’il est impossible de démêler les motivations du Premier ministre pour établir une violation constitutionnelle.
L’avocat constitutionnaliste Hatim Kheir réagit : « Nous sommes déçus que l’utilisation sans précédent du pouvoir de prorogation ait été confirmée. Toutefois, nous saluons le fait que la Cour ait reconnu que ce pouvoir n’est pas à l’abri d’un examen judiciaire. »